mardi 18 septembre 2012

Un vrai romancier


Un roman de la rentrée littéraire : Les Lisières, d’Olivier Adam.
On me l’a offert car « on » sait que j’aime beaucoup cet auteur et que ces précédents romans m’ont beaucoup touchés.
Les Lisières n’est pas tout à fait dans la lignée des précédents… Rien que l’épaisseur l’annonce : il est beaucoup plus long. Tandis que « Des vents contraires » ou «  A l’ abri de rien » sont des fictions assez courtes, celui-ci est long. Normal, il y a beaucoup plus de personnages et chacun d’entre eux donnent lieu à une petite histoire.

Dans les critiques on parle de « roman social » car à travers ces personnages, Olivier Adam donne un aperçu de notre société actuelle et de ses fléaux quotidiens : le chômage, les licenciements, les petites villes périphériques, les couples qui galèrent, les couples infidèles… Ce terme de « roman social » me semble un peu fort car cela reste avant tout un roman. Ces personnages n’arrivent pas là par hasard et l’auteur ne fait pas des descriptions indigestes. Toutes ces digressions, ont un sens et une place qui se justifient. Jamais cela ne tombe dans le pathétique ou le larmoyant. Le personnage principal, qui a une bonne part d’autobiographie, retrouve les amis de son enfance, de ses années lycée  et c’est grâce à cela qu’il peut lui-même mieux comprendre ce qu’il est devenu. Même s’il a tourné la page avec son passé, il fait encore largement partie de lui. Ce n’est pas parce qu’on s’éloigne de son passé que l’on a plus de loin avec. Tout ce qui nous arrive dans notre enfance, nous marque, que l’on ait conscience ou pas.

Oui ce roman est très autobiographique, oui il peut parfois sembler long… Mais il est avant tout un roman magnifiquement écrit.  Car s’il y a bien une chose sur laquelle tout le monde est d’accord c’est la qualité de  l’écriture d’Olivier Adam. Tous ces romans sont d’une intensité incroyable grâce à des phrases rythmées, des mots précis tout cela dans un style unique. Olivier Adam a un univers avec des thèmes récurrents que l’on retrouve dans tous ses romans : les enfants, la Bretagne, le Japon… mais cet univers tient surtout à son écriture qui nous plonge à chaque fois au cœur de ses personnages, au cœur de l’histoire. Personnellement, j’ai le sentiment de me faire happer par ses phrases et de me laisser embarquer dans le tourbillon, ou dans la vague.

Comme d’autres, je dirais que Les Lisières n’est pas le meilleur d’Olivier Adam, ou avec plus de modestie, ce n’est pas celui que j’ai préféré. Pourtant, plus le roman approche de la fin plus j’ai été captivée et j’en aurais presque voulue encore. Pourtant, je n’aurais pas dit ça à la moitié du roman. Une critique sur Rue 89 a noté la même chose  « la lecture, longuement ardue, trouve sa récompense sur le dernier tiers du roman ».

Une écriture, un regard juste sur soi et les autres…Olivier Adam reste une valeur sûre.

dimanche 2 septembre 2012

Intense et rare


Un livre qui m’a été conseillé par ma mère, elle l’avait lu quand elle était plus jeune. Ce n’est pas le livre sur lequel vous allez tomber sur les devantures de librairie. Personnellement, je n’en avais jamais entendu parler.

J’ai hésité avant de le commencer, c’est un vieux livre de poche, un peu taché, aux pages fines et parfois l’encre de certaines pages est mal imprimée…

Et pourtant, je serai passée à côté d’un de ces romans qui marquent. Un roman que certains qualifieraient d’apprentissage. Un roman qui fait grandir.

Les mots pour le dire, de Marie Cardinal est un roman autobiographique, où l’auteure raconte sa psychanalyse. Elle va revenir sur des événements de son enfance, qui l’ont beaucoup plus marqués qu’elle ne pouvait l’imaginer. On ne soupçonne pas le sens que peuvent prendre certaines choses, la façon dont notre tête et notre corps vont les interpréter, les façonner, pour au final faire partie de nous, de notre caractère.

Au fil des pages, on suit la lente renaissance de cette femme, profondément malade avant de commencer ce travail de psychanalyse. Car oui c’est un véritable travail, un effort et même un combat contre soi-même, pour aller au-delà de ce qu’on pense habituellement. Sortir des schémas habituels et confortables pour aller creuser ce qui peut être douloureux. En se lançant dans une psychanalyse, il faut accepter que ce soit long et difficile. Il n’y a pas de baguette magique, il faut du temps et du courage pour aller au bout de soi même.
Marie Cardinal va se rendre plusieurs fois par semaine, chez son médecin, pendant sept ans. Sept années qui vont lui redonner vie, lui donner la possibilité d’accepter et de comprendre la femme, l’épouse et la mère qu’elle est aujourd’hui. Il y est beaucoup question de son enfance, de la relation avec sa mère et de l’impact que cela a pu avoir sur elle.

J’ai été plus que touchée et émue par ce livre. L’écriture est simple, tout en étant très intense et riche. L’auteure ne fait pas du tout l’apologie de la psychanalyse, d’ailleurs les séances en elles-mêmes sont très peu racontées, elles sont un prétexte, un support. Marie Cardinal a eu le talent de ne pas raconter un enchainement de séances médicales.

A plusieurs reprises, j’ai souligné des passages qui méritent d’être notés et relus :

« Je croyais être une soumise, j’étais une révoltée. Je l’étais de naissance. J’existais ! Je ne comprenais pas encore complètement le sens de ma découverte. Je savais seulement que je possédais un caractère qui m’était propre et qui n’était pas si facile que cela. »


« Il y avait en moi, une indépendance, un orgueil, une curiosité, un sens de la justice et de la jouissance, qui ne cadraient pas avec le rôle qui m’avait été dévolu dans la société de ma famille »

« La rencontre avec mes premiers vrais défauts me donnait une assurance que je n’avais jamais eue. Ils mettaient en valeur mes qualités que je découvrais aussi et qui m’intéressaient moins. Mes défauts étaient dynamiques. Je ressentais profondément qu’en les connaissant ils devenaient des outils utiles à ma construction. Il ne s’agissait  plus de les repousser, ou de les supprimer, encore moins d’en avoir honte, mais de les maitriser et de m’en servir. »

« Les mots pouvaient être des véhicules inoffensifs, des autos tamponneuses multicolores qui s’entrechoquaient dans la vie quotidienne, faisant jaillir des gerbes d’étincelles qui ne blessaient pas.
Les mots pouvaient être des particules vibratiles animant constamment l’existence, ou des cellules se phagocytant, ou des globules se liguant pour avaler goulûment des microbes et repousser les invasions étrangères.
Les mots pouvaient être des blessures ou des cicatrices de blessure, ils pouvaient ressembler à une dent gâtée dans un sourire de plaisir.
Les mots pouvaient aussi être des géants, des rocs profondément enfoncés dans la terre, solides et grâce auxquels on franchissait les rapides.
Les mots pouvaient enfin être des monstres, les S.S. de l’inconscient, refoulant la pensée des vivants dans les prisons de l’oubli. »

Je conseille vivement ce livre à tous ceux qui aiment les romans forts, vrais et qui pourraient s’identifier à une jeune femme qui a du mal à se construire et à s’accepter à sa juste valeur.