Un livre
qui m’a été conseillé par ma mère, elle l’avait lu quand elle était plus
jeune. Ce n’est pas le livre sur lequel vous allez tomber sur les devantures de
librairie. Personnellement, je n’en avais jamais entendu parler.
J’ai hésité
avant de le commencer, c’est un vieux livre de poche, un peu taché, aux pages
fines et parfois l’encre de certaines pages est mal imprimée…
Et
pourtant, je serai passée à côté d’un de ces romans qui marquent. Un roman que
certains qualifieraient d’apprentissage. Un roman qui fait grandir.
Les mots pour
le dire, de Marie Cardinal
est un roman autobiographique, où l’auteure raconte sa psychanalyse. Elle va
revenir sur des événements de son enfance, qui l’ont beaucoup plus marqués
qu’elle ne pouvait l’imaginer. On ne soupçonne pas le sens que peuvent prendre
certaines choses, la façon dont notre tête et notre corps vont les interpréter,
les façonner, pour au final faire partie de nous, de notre caractère.
Au fil des pages, on suit la lente renaissance de cette
femme, profondément malade avant de commencer ce travail de psychanalyse. Car
oui c’est un véritable travail, un effort et même un combat contre soi-même,
pour aller au-delà de ce qu’on pense habituellement. Sortir des schémas
habituels et confortables pour aller creuser ce qui peut être douloureux. En se
lançant dans une psychanalyse, il faut accepter que ce soit long et difficile.
Il n’y a pas de baguette magique, il faut du temps et du courage pour aller au
bout de soi même.
Marie Cardinal va se rendre plusieurs fois par semaine, chez
son médecin, pendant sept ans. Sept années qui vont lui redonner vie, lui
donner la possibilité d’accepter et de comprendre la femme, l’épouse et la mère
qu’elle est aujourd’hui. Il y est beaucoup question de son enfance, de la
relation avec sa mère et de l’impact que cela a pu avoir sur elle.
J’ai été
plus que touchée et émue par ce livre. L’écriture est simple, tout en étant
très intense et riche. L’auteure ne fait pas du tout l’apologie de la
psychanalyse, d’ailleurs les séances en elles-mêmes sont très peu racontées,
elles sont un prétexte, un support. Marie Cardinal a eu le talent de ne pas
raconter un enchainement de séances médicales.
A plusieurs reprises, j’ai souligné des passages qui
méritent d’être notés et relus :
« Je croyais être une soumise,
j’étais une révoltée. Je l’étais de naissance. J’existais ! Je ne
comprenais pas encore complètement le sens de ma découverte. Je savais
seulement que je possédais un caractère qui m’était propre et qui n’était pas
si facile que cela. »
« Il y avait en moi, une
indépendance, un orgueil, une curiosité, un sens de la justice et de la
jouissance, qui ne cadraient pas avec le rôle qui m’avait été dévolu dans la
société de ma famille »
« La rencontre avec mes premiers
vrais défauts me donnait une assurance que je n’avais jamais eue. Ils mettaient
en valeur mes qualités que je découvrais aussi et qui m’intéressaient moins.
Mes défauts étaient dynamiques. Je ressentais profondément qu’en les
connaissant ils devenaient des outils utiles à ma construction. Il ne
s’agissait plus de les repousser, ou de
les supprimer, encore moins d’en avoir honte, mais de les maitriser et de m’en
servir. »
« Les mots pouvaient être des
véhicules inoffensifs, des autos tamponneuses multicolores qui s’entrechoquaient
dans la vie quotidienne, faisant jaillir des gerbes d’étincelles qui ne
blessaient pas.
Les mots pouvaient
être des particules vibratiles animant constamment l’existence, ou des cellules
se phagocytant, ou des globules se liguant pour avaler goulûment des microbes
et repousser les invasions étrangères.
Les mots pouvaient
être des blessures ou des cicatrices de blessure, ils pouvaient ressembler à
une dent gâtée dans un sourire de plaisir.
Les mots pouvaient
aussi être des géants, des rocs profondément enfoncés dans la terre, solides et
grâce auxquels on franchissait les rapides.
Les mots pouvaient
enfin être des monstres, les S.S. de l’inconscient, refoulant la pensée des
vivants dans les prisons de l’oubli. »
Je conseille vivement ce livre à
tous ceux qui aiment les romans forts, vrais et qui pourraient s’identifier à
une jeune femme qui a du mal à se construire et à s’accepter à sa juste valeur.